Ça me fait une belle jambe…

Ça me fait une belle jambe… Oui, à moi, on a déjà dit, comme à Mistinguett, que j’ai de belles gambettes, « c’est vrai ». (Je ris.) Je vous dis ça simplement parce que ma copinaute «la Vieille Marmotte» m’a demandé de lui décortiquer l’expression « Ça me fait une belle jambe». Je m’exécute pour lui faire plaisir, avec plaisir.

Je crois que la première forme de cette expression était « ça ne lui rendra pas la jambe mieux faite », elle serait devenue «faire bien la jambe», pour devenir enfin «faire une belle jambe». J’y reviendrai plus loin.

« Faire une belle jambe » n’était pas un slogan publicitaire pour des bas ou des collants, ça aurait pu. Je me souviens des DIM pour lesquels des nonnes aux jambes gainées de collants couleur couraient (dans un escalier, je crois). Ah la pub des années 1970 !

Revenons au sujet des jambes. On sait bien que les hommes se laissent subjuguer par une paire de beaux seins, de fesses ou de belles jambes féminines pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, l’expression n’a pas de lien avec le charme féminin. En réalité elle est en rapport avec le mâle infatué de sa personne (je pense à Henri II, Charles IX ou Henri III, portraits dans cet ordre en dessous du texte ; nous avons eu des rois surprenants, fous, homo ou bi-sexuels).

Pour tout dire, même le viril Vert Galant, Henri IV, montrait ses gambettes gainées.

Souvenez-vous, c’est à partir du milieu du XIIe siècle et surtout à partir du XVe siècle que les hommes se sont mis à porter des vêtements qui laissaient voir leurs jambes habillées de chausses (haut-de-chausses : de la taille jusqu’aux genoux au maximum et du bas-de-chausses couvrant jusqu’aux pieds ; ces derniers, ancêtres du bas, collaient au corps et laissaient deviner, selon l’époque, bien plus que le galbe de la jambe).

Au XVIIe siècle, ce galbe a commencé à avoir une grande importance à la Cour ou en société.

Chez les gens bien (nobles ou riches car les gens du peuple n’avaient pas ces mêmes préoccupations), il fallait que le mollet soit, à la fois, naturellement beau et habillé avec goût. Les hommes coquets se pavanaient en montrant leurs (belles) jambes et ont fait naître l’expression « faire la belle jambe » qui qualifiait celui qui prenait une démarche avantageuse, qui faisait le beau. On pouvait aussi se moquer de lui, de son orgueil, en trouvant qu’il avait des «mollets de coq» ce qui n’est pas forcément flatteur. Voyez ci-dessous un roi à la posture avantageuse : Louis XIV, le Roi Soleil. Jolies jambes, non ?

Cette fameuse jambe était tellement importante aux yeux du monde qu’elle fit naître l’expression « cela ne me rendra pas la jambe mieux faite » (que j’ai citée plus haut) et qui était adressée à quelqu’un proposant quelque chose dont on ne tirait aucun avantage. Elle signifiait clairement «ça ne me servira à rien». De là, en éliminant la négation, on a, par ironie et dans une situation identique, dit « ça me rendra la jambe mieux faite » puis on est passé au XIXe siècle à « ça me fait bien la jambe », juste avant que l’expression sous sa forme actuelle ne prenne le dessus : « Ça me fait une belle jambe ».

Voyez le mariage de Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon Premier, avec Marie-Louise d’Autriche et l’étalage des mollets masculins, en avril 1810.

« Ça me fait une belle jambe », avec ses variantes « ça lui fait, ça lui fera, ça me fera… » est une expression ironique qui signifie que cela ne sera utile en rien. Et vous, ça vous fait une belle jambe de savoir ça, non ? Comme à moi de connaître les détails plus ou moins croustillants de la vie des people. Je m’en moque comme de l’an quarante.

Moi, ça m’a fait plaisir de transmettre un peu de savoir.

Chacun fait ce qui lui plait à condition de ne pas nuire aux autres.

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