Le propre de l’Homme

Le propre de l’homme est une expression d’usage courant qui désigne les spécificités de l’espèce humaine par rapport aux autres espèces animales.

« Mieulx est de ris que de larmes escripre,
Pour ce que rire est le propre de l’homme. »

Cet aphorisme serait dû à François Rabelais dans l’Avis aux lecteurs ouvrant Gargantua (1534).

Ce passage du texte de Rabelais serait inspiré du traité des “Parties des Animaux” d’Aristote dans lequel ce dernier défend l’idée que : « l‘homme est le seul animal qui ait la faculté de rire ». Certes ! Mais qu’est-ce qui distingue l’Homme des autres animaux  ?  Le rire ? La bipédie ? Le langage ? La création d’outils ? La maîtrise du feu ? La spiritualité ? La pratique artistique ? La conjugaison de tout cela ? Sans doute cette combinaison mais la question du propre de l’homme, maintes fois débattue, est-elle vraiment pertinente ?

J’ai plus envie de réfléchir à l’utilité du langage, l’un des rôles essentiels de celui-ci est de communiquer à autrui notre pensée au sens large de ce terme.

Je ne sais pas ce qui m’arrive ces derniers temps, est-ce une question d’âge mais la nostalgie m’assaille et le nom de Saussure me revient en mémoire. Saussure, je riais de ce nom proche de chaussure (sans doute au désespoir de la prof de philo), Ferdinand de Saussure, linguiste suisse qui, dans son Cours de linguistique générale, disait que le langage est un des éléments fondamentaux dans la structuration de la pensée. Le langage ne serait pas qu’un medium mais bel et bien un élément constitutif de la pensée, dès lors, loin de n’être qu’un artifice, il contribuerait grandement à structurer la pensée commune.

ATTENTION, retenez ces mots d’Orwell dans son roman “1984“:

« Le but du novlangue était, non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée »

Quant à moi, je pense que rétablir un langage complexe est une impérieuse nécessité pour lutter contre ce capitalisme néolibéral à l’œuvre depuis des années, système qui veut régner sur des masses soumises, affamées et stupides, de préférence illettrées. Je crois fermement que les mots sont des armes, les maîtriser une force.

Certains considéreront sans doute cette lutte pour le langage comme dérisoire, je pense au contraire qu’elle est essentielle et que la désertion de ce combat a signé la première défaite du peuple qui se laisse bâillonner, museler, opprimer, vassaliser…

L’appauvrissement toujours plus grand du langage va de pair avec un appauvrissement de la parole publique en général et du débat en particulier. Comment, en effet, parvenir à avoir des débats complexes sur des sujets cruciaux quand tout le monde ne pense qu’en petites phrases et en peu de mots ? On assiste depuis des années à la mise en place des stratégies de communication absolument plus fondées sur le fond mais simplement sur la forme, des mots incompréhensibles par la majorité, qui se tait de crainte de passer pour stupide. Or il faut toujours comprendre avant d’accepter quoi que ce soit.

Les blablas ésotériques ne sont finalement que du buzz, un mot à la mode qui désigne quelque chose qui fait du bruit mais qui n’a aucun sens.

L’appauvrissement voulu du langage et par conséquent du débat n’est pas innocent à mes yeux car il permet à la classe politicienne de procéder à de sordides manipulations.

Pensez à tous ceux qui se revendiquent comme « réalistes » alors qu’ils sont totalement coupés du réel ne connaissant ni le prix d’une baguette de pain, d’un croissant, d’une chocolatine ni celui d’un timbre ou d’un ticket de métro, d’un pass Navigo, ou à tous ces fameux « pragmatiques » qui ne font que perpétuer des recettes qui ont échoué à peu près partout sur la planète.

Il ne me semble pas fantaisiste de voir dans cet appauvrissement du langage l’étape d’un projet politique (le néolibéralisme) qui impose ses manières de s’exprimer pour mieux étendre son emprise.

Qu’en pensez-vous ?

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Une réflexion sur « Le propre de l’Homme »

  1. En ce qui concerne les animaux, j’ affirme qu’ils pleurent, rient, et réfléchissent, tout en étant soumis à leur instinct inné.
    Il est clair que la parole, les mots sont le propre de l’homme !
    On pouvait ne pas aimer Jean-Marie Le Pen, mais il fallait bien reconnaître qu’il maitrisait bien notre langue !
    Avant qu’ il ne sombre dans l’ islamo-gauchisme, on disait de Mélenchon qu’il était un tribun.
    Galvaniser les foules, n’implique pas forcément l’utilisation de mots sophistiqués, comme l’ont montré quelques tyrans communistes !
    Mais on peut dire que celui qui utilise un langage châtié est au dessus du lot !
    Pour notre bonimenteur, je trouve que l’ hubris lui convient !
    Bonne journée Françoise
    Bisous

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