Sa déclaration…

Je suis sûre que vous connaissez tous Magyd Cherfi (Magyd Cherfi Officiel). Magyd Cherfi est né le  à Toulouse (Haute-Garonne), de parents maghrébins (des kabyles). Il est chanteur, écrivain et acteur français et fut membre du groupe Zebda. En résumé, c’est un Français bien intégré qui aime sa langue “natale”, sa langue maternelle, celle de l’école de la République, laïque.

Magyd a écrit de nombreux textes que j’aime ; il a parlé du voile islamique quand le problème s’est posé et vient d’en publier un nouveau qui doit être lu par un maximum de monde pour comprendre quelles ont été les qualités de l’école républicaine, sinon idéale mais au moins respectée et souvent même aimée.

Il faut que les gens qui se prennent pour “la tête de notre pays” arrêtent de nous prendre pour des cons. Les profs enseignants doivent être respectés tous les jours, soutenus par leur hiérarchie, sanctionnés quand ils le méritent et félicités aussi quand c’est le cas, bien plus souvent qu’on ne l’imagine. Malheureusement ils se sentent bien souvent très seuls. Je le sais, j’ai été l’un des leurs. La lecture du texte de Magyd Cherfi m’a fait pleurer. J’étais émue pensant à ces hordes de hussards noirs et à tous ces enseignants anonymes qui ont donné leur temps pour que les enfants progressent. Bien sûr, il y a quelquefois des brebis galeuses chez les enseignants, comme chez les policiers et dans n’importe quel groupe humain mais combien travaillent avec la foi, la vocation, affrontant toutes les difficultés avec un courage dont bien peu d’individus sont capables hors les personnels hospitaliers ?

 
La trahison
J’ai été d’une école où on aimait ses profs, où après être passé dans une classe supérieure on passait leur rendre visite, ça épinglait un orgueil de moineau sur nos maigres poitrines. J’ai été d’une école où le nom de « prof » faisait tinter la rétine et briller l’envie d’en être. Moi j’allais à l’école comme on se blottit dans un nid attendant la becquée quotidienne. J’étais ce privilégié-là, cet engourdi docile aussi. Je guettais l’attention qu’on allait me porter, la parole qu’on allait me donner, la note aussi. C’était une école où j’oubliais que j’étais arabe, pauvre et frustre. Elle me protégeait de la méchanceté du monde, un monde dur qui voulait pas de mes parents. Elle me sortait de l’obscurité dans laquelle ils pataugeaient. J’étais d’une école où je n’avais plus d’origine mais l’espoir d’en trouver une sans frontière ni couleur ni rang social, où les professeurs ressemblaient à des parents. Les uns les autres se passaient le relais sûrs de divulguer un même message empreint du respect le plus strict. Les quatre se souciaient qu’on s’intéresse, nous existions comme un prolongement d’eux-mêmes. J’étais d’une école qui admirait ses profs et je rêvais moi de les accompagner au-delà des heures de scolarité indues tout ça pour m’infuser du plaisir qu’ils avaient à nous avoir comme élèves. Me rappelle, je voulais même qu’on m’adopte car hors du sanctuaire me sentais comme un fantôme privé de lumière, presque un demi-orphelin à qui il manquait deux de ses quatre parents. Privé de cette attention supplémentaire, me sentais vivre dans un cachot putride, comme privé d’une pièce aux larges baies vitrées. Dans cette école, en échange de leur bienveillance je rassemblais tout ce qui me contenait « d’intelligent ». Jamais ma mère ne m’a vu chez elle aussi docile ou attentif et dieu sait (si j’ose dire) qu’elle sacrifia tout pour que je réussisse, qu’elle ruina jusqu’à épuisement toutes ses réserves de mère. Elle aussi chérissait cette école et trouvait ahurissant que les détenteurs de tous les savoirs ne portent pas la main sur moi quand je faiblissais. Ça la sidérait qu’on ait pas cours à Pâques, Noël, juin et juillet. Sans cette école que l’on dit gratuite, laïque et obligatoire la vie lui serait apparue insensée. Quant à moi je l’avoue, je me suis plus aimé en élève qu’en enfant de la rue car à dix sept heures sur le trottoir d’en face j’entendais : « rentre chez toi bougnoule ! »
À l’aune de tous ces défis nouveaux, je dis que cette école existe encore et elle raconte toujours l’histoire des hommes, offre encore une famille, une terre, des valeurs et enfin notre libre arbitre.
Alors je peux le dire, moi Magyd jamais j’aurai tendu mon doigt à un salaud pour désigner comme victime mon prof d’histoire-géo.
 
 
 

Merci Magyd pour ces mots et merci à tous les enseignants qui ont laissé de bons souvenirs à leurs élèves. 

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Une réflexion sur « Sa déclaration… »

  1. Voilà un texte qu’on devrait partager dans les écoles d’aujourd’hui !
    J’ ai connu la même école, voué la même passion pour mes instituteurs !

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