L’épave

Une épave peut être un objet mobilier égaré, abandonné, dont on ne connaît pas le propriétaire, en particulier dans le domaine maritime : débris de navire, de cargaison, objet quelconque abandonné à la mer, coulé au fond, flottant ou rejeté sur le rivage, souvent à la suite d’un naufrage mais aussi personne qui, à la suite de malheurs, de revers, est diminuée, physiquement ou moralement ; voilà le thème de la chanson que je vous propose d’écouter aujourd’hui.

 

Les paroles de cette chanson méritent une attention particulière, comme toujours pour celles de Georges Brassens. Quel bonhomme ! Des mots qui choquent les “bien-pensants” mais révèlent une vaste culture :

J’en appelle à Bacchus ! à Bacchus j’en appelle !
Le tavernier du coin vient d’me la bailler belle,
de son établiss’ment j’étais l’meilleur pilier.
quand j’eus bu tous mes sous, il me mit à la porte
en disant : les poivrots, le diable les emporte !
Ça n’fait rien, il y a des bistrots bien singuliers…
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre-mort,
croyant tout de bon que j’ai cessé de vivre
(vous auriez fait pareil), s’en prit à mes souliers.
Pauvre homme ! vu l’état piteux de mes godasses,
je dout’ qu’il trouve avec son chemin de Damas.
Ça n’fait rien, il y a des passants bien singuliers…
Un étudiant miteux s’en prit à ma liquette
qui, à la faveur d’la nuit lui avait paru coquette,
mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller.
Je l’plains de tout mon coeur, pauvre enfant, s’il l’a mise,
vu que, d’un homme heureux, c’était loin d’êtr’ la ch’mise.
Ça n’fait rien, y a des étudiants bien singuliers…
La femm’ d’un ouvrier s’en prit à ma culotte.
Pas ça, madam’, pas ça, mille et un coups de bottes
ont tant usé le fond que, si vous essayiez
d’la mettre à votr’ mari, bientôt, je vous en fiche
mon billet, il aurait du verglas sur les miches.
Ça n’fait rien, il y a des ménages bien singuliers…
Et j’étais là, tout nu, sur le bord du trottoir
exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires,
une petit’ vertu rentrant de travailler,
elle qui, chaque soir, en voyait un’ douzaine,
courut dire aux agents : j’ai vu que’qu’ chos’ d’obscène !
Ça n’fait rien, il y a des tapins bien singuliers…
Le représentant d’la loi vint, d’un pas débonnaire.
Sitôt qu’il m’aperçut il s’écria : tonnerre !
on est en plein hiver et si vous vous geliez !
Et de peur que j’n’attrape une fluxion d’poitrine,
le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine.
Ça n’fait rien, il y a des flics bien singuliers
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache,
moi, dont le cri de guerr’ fut toujours mort aux vaches !
plus une seule fois je n’ai pu le brailler.
J’essaye bien encor, mais ma langue honteuse
retombe lourdement dans ma bouche pâteuse.
Ça n’fait rien, nous vivons un temps bien singulier...

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2 réflexions sur « L’épave »

  1. Une fin bien singulière avec ce revirement d’opinion …
    Comme quoi les plus opportunistes ne sont pas toujours ceux que l’on croit !
    Je ne connaissais pas cette chanson mais elle dit bien ce qu’elle veut dire.
    Un peu une fable … avec sa moralité.
    Bien trouvée !

    ” Bon mardi avec une température qui a sacrément baissé : on est bien en octobre !
    Avec un temps bien gris … très foncé.
    Toute contente de retrouver vos blogs mais mon dos n’est pas d’accord, je vais y aller mollo.
    Gros bisoux ♥ “

  2. oh je n’ ai aucun doute sur la culture de Brassens, un grand poète.
    J’ ai bien sur pensé à Saint Martin qui partagea sa tunique !
    Un bon coeur peut se cacher sous un uniforme

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