Coucher dehors…

Dans mon dernier billet, j’ai suggéré l’idée que l’on pouvait “coucher dehors avec un billet de logement“. Je m’explique : le billet de logement est un acte administratif, délivré par le maire d’une commune ou un responsable militaire, qui enjoint un habitant de loger des militaires de passage et parfois même leurs chevaux qu’il doit nourrir et entretenir.

Ce “billet de logement” permet à des militaires d’être logés temporairement si la ville ne dispose pas de caserne pour les accueillir. Cette pratique valait en temps de guerre (voir “Papi fait de le Résistance”, zone libre et occupée) et valait aussi en temps de paix lors des manœuvres. Les billets de logement furent ainsi utilisés avant 1790 pour les Gardes français et les Gardes suisses qui étaient en garnison à Paris ; ils furent ensuite très utilisés pour les nombreux mercenaires étrangers de l’armée napoléonienne. (Un faux billet de logement est un moyen ingénieux pour un faux militaire de pénétrer dans l’intimité d’une famille ainsi un amant pouvait rejoindre son aimée chez elle, ni vu ni connu). Comme les mercenaires étrangers étaient nombreux  et que leurs noms n’inspiraient pas confiance aux logeurs potentiels, quelques-uns se voyaient refuser l’entrée d’un logement à cause de ce « nom à coucher dehors». Même si le billet de logement était une réquisition, l’hôte désigné volontaire ne pouvait pas se soustraire à l’obligation qui lui était faite d’héberger le porteur du billet mais il y a toujours eu des récalcitrants, des rebelles en France et ailleurs heureusement.

Mais pour tout vous dire, l’expression “nom à coucher dehors” est antérieure à l’époque napoléonienne. Au Moyen, le patronyme reflétait le rang social ce qui permettait aux aubergistes de classer leurs clients : ceux qui “avaient un nom”,ceux appartenaient à la noblesse étaient placés en tête de liste, ceux dont le nom rappelaient une fonction sociale importante prenaient la suite, les manants arrivaient à la fin, ainsi, lorsque la capacité d’accueil du lieu était dépassée, les derniers de la liste n’étaient pas accueillis, ils devaient dormir dehors ou aux écuries ; de ce état de fait viendrait l’expression « avoir un nom à coucher dehors ».

Constatez qu’alors “le nom à coucher dehors” n’avait pas forcément une consonance étrangère mais les aubergistes étaient d’un naturel extrêmement méfiant et à la nuit tombée, pour se faire admettre dans une auberge, il fallait “montrer patte blanche” et il était préférable d’avoir un nom chrétien et connu. Une fois entré, la tenue vestimentaire avait son importance pour l’affectation des chambres (les plus belles aux plus riches ou du moins à ceux qui avaient la plus fière allure).

Il y a longtemps qu’on se fie aux apparences. Quelle erreur, pourtant.

 

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2 réflexions sur « Coucher dehors… »

  1. à l’ époque, même Poniatowski aurait eu plus de chance à être reçu dans une auberge qu’ un macron !
    Et aujourd’ hui encore il y a les hôtels pour les riches et pour la classe moyenne, les formules 1 et les auberges de la jeunesse pour les plus pauvres !
    et d’ être en république n’ empêche pas les noms à particule d’ être avantagés

  2. L’habit ne fait pas le moine et n’importe qui peut porter une bure …
    Les apparences sont souvent trompeuses !
    Et un nom à tiroirs ne prouve pas la richesse.

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