Être logé à la même enseigne

Être logé à la même enseigne, expression par laquelle je terminais mon précédent billet, est une expression de très bon français, non argotique, qui signifie “être traité de façon similaire”, “être dans les mêmes conditions”, “être dans le même bateau” ou plus familièrement : “C’est pareil pour tout le monde”, “il n’y a pas d’exception”.

Ce n’est malheureusement plus le cas en France où l’Égalité est devenue un vain mot tant il y a d’exceptions et de passe-droits, faveurs, pistons dans tous les domaines : santé, impôts, emploi… Nous sommes dans une France à deux, voire même plus(ieurs) vitesses. (Le terme vitesse  relève de la métaphore calquée sur la gestion des colis postaux, envoi à grande ou à petite vitesse autrefois devenus “prioritaire”, “normal” ou “économique”, indiquant des traitements différents pour l’acheminement. Vous constaterez qu’économique signifie lent mais le prioritaire ne va pas plus vite quelquefois, tellement ça marche bien à La Poste.)

Oui, aujourd’hui dans notre pays, comme avant 1789, il y a, pour les individus, des traitements différenciés, souvent injustes, des privilèges, qui dépendent, pour chacun, de son origine, de sa situation géographique, de sa couleur de peau, de son nom, de sa religion, de son appartenance politique, syndicale, de sa profession, bref… c’est tout simplement aussi le retour à l’arbitraire, la gestion “à la tête du client”.

Je me souviens que nos aïeux ont voté l’abolition des privilèges durant la nuit du 4 août 1789, puis ont raccourci le roi, abolissant la monarchie et toute la noblesse qui gravitait autour. Or, aujourd’hui, nous pouvons constater :

  • l’immunité dont bénéficie le Président de la République pendant la durée de son mandat,  l’immunité qui lui permet de ne pas être poursuivi pour des actes étrangers à l’exercice de ses fonctions ; idem pour les parlementaires ;
  • qu’il existe la Cour de justice de la République qui juge exclusivement les membres du Gouvernement. Pourquoi ne le sont-ils pas devant les mêmes juridictions que les autres  justiciables ?
  • que les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel ad vitam aeternam, qu’ils bénéficient de gardes du corps, de personnels divers, de la gratuité des voyages, d’une voiture et d’un logement de fonction, d’une indemnité confortable, etc ;
  • qu’il existe une sorte de caisse noire, la réserve parlementaire, véritable outil du clientélisme électoral ;
  • que les fraudeurs à l’impôt ne répondent pas de leurs délits devant la justice, le ministre du Budget faisant généralement obstacle aux poursuites ;
  • la Cour de discipline budgétaire et financière ne sanctionne jamais les ordonnateurs : les ministres et les élus locaux pour mauvaise gestion (ce ne sont pas de bons pères de famille ; ils s’endettent bien trop)..
  • etc.

Pour l’ Europe, ce n’est pas mieux. Dans le meilleur des mondes, les décisions communes devraient s’appliquer à tous mais, en raison des lourdeurs de prises de décision et des blocages que peuvent provoquer certains, on va de plus en plus vers une Europe à deux, voire plusieurs vitesses où quelques pays appliqueront complètement les décisions communes ou d’autres, réfractaires à certaines d’entre elles, moins bien lotis, voire mieux lotis, auront la possibilité de ne pas en tenir compte, accentuant ainsi les disparités entre des pays. Tu parles d’une union !

Un exemple amusant en cette période de Toussaint, la TVA sur les pompes funèbres. Oui, on peut rire de tout. même de cette fête-là. La France a la particularité d’appliquer deux taux différents de TVA pour les prestations funéraires. Lorsque le corps du défunt est transporté par un véhicule, le taux est alors de 5,5 % mais dès lors qu’un porteur (humain) s’en charge, le taux passe à 20%. Les autres services – creusement de la fosse, ouverture ou fermeture de la concession, crémation, entre autres -, sont à ce même taux. »

On légifère donc  pour savoir s’il faut appliquer le taux réduit de TVA à l’ensemble des prestations funéraires pour réduire le coût des obsèques ou non. (Les obsèques d’une personne sont soumises à de nombreuses impositions, tant par le biais de taxes communales que par l’impôt indirect : TVA en particulier). On parlote aussi sur le fait que les services assurés gratuitement ne sont pas soumis à la TVA. Encore heureux ! Pourquoi faire simple quand on peut tout compliquer : “les fleurs sont imposées au taux réduit lorsqu’elles sont uniquement coupées, sans transformation ; en revanche, elles sont passibles du taux de droit commun lorsqu’elles sont artificielles ou utilisées dans des compositions florales”.

 Bien que le droit de l’Union européenne permette aux États membres d’appliquer un taux réduit. En France, seul le service de transports des corps en véhicule motorisé bénéficie d’un taux à 5,5 %. La baisse du taux de TVA représenterait une économie moyenne d’environ 350 euros pour les 1 500 ménages français endeuillés chaque jour mais dans le contexte actuel de réduction du déficit public, le gouvernement n’envisage pas d’appliquer cette baisse de TVA.

On voit qui paie un fois de plus. Les notables, bien en vue, ont quelquefois la gratuité totale de la cérémonie avec des obsèques nationales. Dévoués aux leurs jusqu’au bout pendant que nous sommes plumés jusqu’au dernier jour.

Même enseigne, égalité, que nenni !

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4 réflexions sur « Être logé à la même enseigne »

  1. Oui, nous sommes d’être logés à la même enseigne… “égalité”… certainement pas….

  2. une monarchie républicaine s’ est doucement installée, s’ accordant tous les privilèges.
    Il fallait donc bien se protéger, et trouver les ressources en imposant tout, même les morts.
    tant va la cruche à l’ eau qu’ à la fin, elle se casse !
    J’ aimerais voir la cruche se casser !
    Passe une bonne journée Françoise
    Bisous

  3. Est-ce la période de Toussaint qui te pousse à cette analyse à laquelle j’adhère mais n’est pas folichonne ? L’égalité n’a jamais existé. Ceux qui font les lois connaissent bien le dicton : “on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même”.
    Vivement ton sourire du dimanche. Amicalement.

  4. Comme tu l’écris, cher Henri, « on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même » et trop de monde le sait maintenant et se servent beaucoup trop bien sans penser aux autres. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge…

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