Ceux d’en-haut

Ma grand-mère avait l’habitude de me dire “l’exemple vient d’en haut.” Je me suis souvent demandé, à cette époque, à qui correspondait le “en-haut”. Ma mère, ma grand-mère, Dieu, les voisins du dessus, le maire, le curé, l’institutrice ? Il y avait une foule de candidats mais j’avais compris qu’elle invoquait des règles d’éducation, de respect.

Je suis même devenue le “en-haut” de ma sœur et de mon frère quand ils sont nés. En devenant l’aînée d’une fratrie, j’ai eu un tas de contraintes supplémentaires, il fallait être un bon modèle : se taire à table, bien travailler à l’école, ranger sa chambre, et j’en passe.

Aujourd’hui il me semble que les repères ont disparu. Les parents n’éduquent plus guère leurs enfants, par fatigue et manque de temps : il y a le travail, les courses, la télé, le téléphone et l’ordinateur… Il n’y a même plus, chez les jeunes, la crainte du plus haut : les parents, Dieu, la police, le chiffonnier (ou le patier), le charbonnier, le Père Fouettard… C’est sans doute le constat de ce manque qui a inspiré à Vincent Peillon, l’ex-ministre de l’Éducation Nationale, le retour de la morale à l’école.

Il me parait important que cette morale enseignée à l’école doive être laïque pour ne pas laisser les valeurs morales au religieux et à la famille simplement ; s’il y a tension entre la famille (qui voudrait être l’unique dépositaire de la morale dans l’éducation des enfants) et l’institution (qui prend en charge les jeunes pendant de longues périodes), il faut être clair dans l’énoncé des règles de fonctionnement de l’école laïque et surtout faire respecter les obligations : horaires, dates des congés, programme…

De plus, il faut faire vivre la morale plus que de l’enseigner, il faut la faire vivre concrètement en demandant la répartition des petites tâches en classe : effacer le tableau (s’il existe encore), distribuer les cahiers, les livres, les documents…, montrer au sein de la classe ce que sont le respect, le courage, la loyauté… Des valeurs oubliées et pourtant indispensables.

C’est ça l’éducation : l’exemple, la mise en pratique de ses paroles.

Avec des valeurs morales de base, reconnues par tous, nous pouvons espérer un monde meilleur, d’bord une France meilleure, simplement plus unie : enseigner, c’est aussi faire partager les valeurs de la République et surtout rappeler que la liberté (inscrite jadis au fronton des écoles) n’est pas la licence.

La morale laïque doit être une morale de la liberté, c’est-à-dire qu’il faut montrer que l’on doit chercher à comprendre et ne pas dire n’importe quoi au nom du principe de la liberté d’expression (des horreurs en tous genres), une morale de l’égalité : hommes et femmes sont véritablement égaux dans le partage des tâches, riches et pauvres ont les mêmes droits à l’école (bonnes ou mauvaises notes), une morale de la fraternité : nous formons une seule grande communauté française et non une coalition de clans, de tribus ou de chapelles… Avant d’être marseillais, ch’ti, musulman ou protestant, supporter du PSG ou de l’OL, nous sommes des Français, des humains ; nous sommes fiers de notre pays (personne ne peut brûler le drapeau, siffler la Marseillaise. C’est une question de respect).

Il nous faut tenter, avec obstination, d’extirper les hérésies identitaires, les idées fixes, les idées fausses et les idées reçues. (Tiens, voilà qui me rappelle que Flaubert était au programme des classes préparatoires il y a une quinzaine d’années avec “Bouvard et Pécuchet et  le “Dictionnaire des idées reçues“. Critiquant celles-ci, Gustave Flaubert montre que contrairement à ce que pense Hegel, l’Histoire n’a pas de fin, c’est un éternel recommencement.)

Nos élus ont réinstauré un fonctionnement monarchique dans notre pays redevenu petit-à-petit un patchwork de régions et non plus un ensemble réellement unifié. Nous n’aurions pas dû déléguer autant notre pouvoir…

Alfred de Vigny aurait dit que “les citoyens doivent surveiller leurs élus, comme leur cocher, et au besoin ne pas hésiter à les remercier, en cas de mauvaise conduite“. Il avait raison.

Encore faut-il pouvoir licencier les élus incompétents, fraudeurs, voleurs, sans être condamnés à leur verser de substantielles indemnités ad vitam æternam.

 

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5 réflexions sur « Ceux d’en-haut »

  1. Comme je vous donne raison Françoise ! J’aime beaucoup cet article. Il est “juste” (mot à la mode bien que rarement appliqué par ceux qui le mettent à toutes les sauces !).
    Oui, nous avions l’éducation, nos enfants aussi ! C’est maintenant que ça déraille ! Le rôle de parents n’était pas toujours rose ! il fallait apprendre aux enfants les règles utiles, et, au besoin, “reprendre” ces mêmes enfants quand ils ne les suivaient pas…Cool…cool…diraient-ils maintenant ! il est bien certain qu’il est moins fatigant de “laisser aller” ! encore que….
    A cette époque qui semble bien lointaine, les enfants aimaient leurs supérieurs (maîtres et parents et…ils les respectaient ! ) Et maintenant ?
    “Ceux d’en haut” ? mais ils donnaient l’exemple !
    Vous savez que c’est un sujet qui me “titille” (parmi tant d’autres !) et je crois que je pourrais faire une dissertation de 10 pages sur le sujet ! Vous avez lancé l’idée…Je la reprendrai un de ces jours si “Dieu le veut “…
    Bonne nuit (il est tard…). Bises.

  2. Bonsoir Françoise, enfant, maman fut mère au foyer, deux enfants à charge et papa qui rapportait la paie… nous filions fin à la maison comme à l’école ! De nos jours papa/maman travaillent à deux, les enfants sont placés petits, et le soir plus envie de rien faire, corvée comme éducation, ainsi vont les familles… et ce monde qui n’est guère plus exemplaire…. merci, bonne nuit, jill

  3. Pas facile de prendre des repères dans notre monde actuel …
    Je te souhaite un bon week end
    Bisoux Françoise.

    dom

  4. Balladur a parlé de la France d’ en bas, c’ est donc qu’ il se considérait de celle d’ en haut !
    Hélas, il ne s’ agit pas de donner l’ exemple, mais de soumettre ceux d’ en bas, pour que vivent à nos crochets ceux d’ en haut.
    Et selon le fameux principe, qu’ il faut diviser pour régner, nos émus y parviennent en cassant civisme et moralité !

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